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L'héritage d'Afrique du Nord


 

Écrits sépharades d'Afrique du Nord

Piyoutim (Chants liturgiques)

Il était de coutume dans les communautés juives d'Afrique du Nord de se lever avant l'aube afin de procéder aux Tiqoun Hatsot, ensemble de prières et de lamentations sur la destruction du Temple. Le Chabbat, la coutume voulait que l'on chante des baqashot depuis vendredi minuit jusqu'au samedi matin. Les baqashot sont des chants liturgiques versifiés chantés principalement durant les nuits d'hiver par des groupes tels que : Hevrath habakashot, hevrat david, hevrat ne'im zemirot etc. Les baqashot pouvaient se réciter à tour de rôle dans les maisons des participants. Le répertoire des baqashot des Juifs du Maroc est riche et varié tant par le contenu des piyoutim (chants liturgiques) que par la variété des airs et des mélodies. Les piyoutim sont des morceaux choisis des grands poètes de l'Âge d'Or de l'Espagne, de la Terre d'Israël et de l'Afrique du Nord depuis le début du Moyen Âge jusqu'à une époque toute récente. L'origine des mélodies est variée : un bon nombre s'inspire de l'ancienne et riche musique andalouse; beaucoup d'autres sont des créations originales tout comme par exemple celles de Rabbi David Elkayam de Mogador qui composait sa musique au rythme des instruments et des outils dont il se servait avec génie car il était peintre, sculpteur et poète : c'était à la fois un érudit et un artiste consommé.

La majorité des piyoutim se trouvait dispersée dans des manuscrits avant d'être compilés dans la ville de Mogador dans l'ouvrage Roni Ve Simhi par Rabbi Itshaq Ben Yaich Halévy, Rabbi Haïm Ibn Haïm, et l'illustre chanteur et musicien Rabbi David Iflah. Cet ouvrage fut imprimé à Vienne en 1890. C'est ainsi que les piyoutim connurent une grande diffusion. Ces piyoutim furent par la suite réimprimés sous le titre Shir Yedidot à Marrakech (1921) et à Jérusalem (1967).

La dernière version très étoffée et commentée par le rabbin Haïm Shoshana de Marrakech (juge rabbinique, grammairien et érudit dans les sciences juives), porte le titre de A'ira Shahar. C'est une œuvre publiée en trois volumes. Le titre signifie « Je réveillerai l'aurore » tout comme il est mentionné dans les Psaumes (108-3) : " Réveillez-vous, ô luths et harpes, je veux réveiller l'aurore ". La légende rabbinique dit que le roi David éveillait l'aube de ses chansons par sa grande dévotion au Tout-Puissant. Le répertoire des baqashot définit pour chaque shabbat des piyoutim en rapport avec les lectures hebdomadaires de la Torah, de même que des qsédot (ballades) de Rabbi David Elkayam. Ces ballades rimées et rythmées avec grand goût décrivent les événements contenus dans la paracha (lecture hebdomadaire de la Torah) tout en faisant allusion aux idées profondes du Midrach, de la vaste littérature des commentaires bibliques, de l'interprétation littérale, de la philosophie et de la cabale, domaines que Rabbi Elkayam maîtrisait de façon étonnante.

En plus de ces chansons spéciales pour chacun des chabbats, il y avait des piyoutim qui étaient chantés et tout spécialement le poème Dodi yarad légano rédigée sous forme de dialogue entre l'Éternel et la Communauté d'Israël. Ce poème chanté comporte 22 strophes correspondant aux 22 lettres de l'alphabet hébraïque de même que 4 autres strophes comprenant l'acrostiche du compositeur et cabaliste Rabbi Haïm Cohen (XVIe siècle). Cette longue poésie était chantée sur des mélodies variées, chaque chanteur en interprétant une strophe.

La poésie chantée des Juifs du Maroc a connu un essor extraordinaire grâce à l'interprétation impressionnante de Rabbi David Bouzaglo. C'était un érudit de la bible et de ses commentaires. Il était également poète, grammairien et expert en musique andalouse, hébraïque et arabe. De grandes foules se pressaient pour venir l'entendre interpréter les piyoutim avec une grâce, une douceur et un professionnalisme qui lui étaient propres. La tradition des baqashot a repris aujourd'hui en Israël. L'ouvrage Roni Ve Simhi continue d'être l'ouvrage de référence par excellence de tous les amateurs de poésie judéo-marocaine. Tout récemment le livre Shiré dodim de Rabbi 'Attia inclut un grand nombre de poèmes de David Bouzaglo annexés aux ouvrages de piyoutim traditionnels. En outre, de nombreux enregistrements de Shir Yedidot et de Shiré Dodim par la voix de Meïr 'Attia de Jérusalem, Haïm Look de Los Angeles etc., tous deux d'anciens disciples du talmudiste Rabbi David Bouzaglo, connaissent un regain de vitalité et un essor sans précédent.

Histoire du manuscrit: Dans les années cinquante, un jeune aventurier américain Richard Press voyageait à la découverte de l'Atlas. Il fut surpris de voir le nombre de manuscrits et parchemins que les Juifs, qui partaient pour Israël laissaient derrière eux. Avec l'aide d'un philanthrope de Marrakech, il loua des camions pour aller faire la quête des écrits abandonnés dans l'euphorie-panique des départs clandestins des Juifs de l'Atlas. Ce manuscrit fut acquis à Sacramento, Californie, par le Dr David Bensoussan de Montréal.



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